jeudi 15 mai 2008

Le tuteur à distance en quête d'équilibre... par Jacques Rodet

Si il y a quelques années, le débat entre les tenants de la réactivité du tuteur et ceux de sa proactivité a été assez nourri, il semble aujourd'hui bien établi que l'une et l'autre modalité sont utiles et à employer par le tuteur à distance. Le choix s'effectuera en fonction des caractéristiques des apprenants, du moment de la formation, du type de support à fournir, de l'effet recherché, etc.

Il n'en reste pas moins que ce débat a plus ou moins occulté ce qui en était la cause [1]. En effet, derrière la question de la proactivité ou de la réactivité, se tient celle bien plus difficile à traiter, car ne pouvant l'être de manière générique, de la distance à adopter vis à vis de chaque apprenant : est-ce que j'en fais suffisamment ? Est-ce que je n'en fais pas trop ? Telles sont les questions qui accompagnent nombre de tuteurs et devraient les guider tous.

La recherche du ce qu'il faut pour l'apprenant, au moment où il le faut pour l'apprenant et de la manière dont il le faut pour l'apprenant (la répétition est lourde mais nécessaire), tient, pour le tuteur, d'une hybridation des douze travaux d'Hercule et du châtiment de Sisyphe. Tâche d'une redoutable ampleur où la réussite tient de l'exploit, tâche récurrente, à reprendre pour chaque apprenant, lors de chaque intervention ou intention d'intervention.

La seule solution qui me semble envisageable est de gagner en expérience à ressentir la bonne distance, l'équilibre. Si il sera bien difficile de rivaliser avec l'otarie qui illustre ce billet sur le plan de l'équilibre, il est certain que l'entraînement, qui permet de tirer des leçons des erreurs commises, pour peu qu'il soit précédé d'un échauffement adéquat (suivre une formation de tuteur par exemple), est une bonne manière de se constituer un répertoire d'expériences dans lequel il est ensuite possible de puiser pour trouver la bonne distance. Cette solution nécessite au préalable de s'autoriser à devenir avant d'être, de considérer et d'utiliser l'erreur comme un point d'appui, d'adopter une démarche pragmatique qui implique son pendant : se doter d'une éthique dont l'un des principes pourrait être : souviens-toi que tes interventions visent d'abord des destinataires et ensuite seulement, ont des destinations.

Deux suggestions pour d'éventuels commentaires et/ou publications de billets :

  • Témoigner de vos expériences, de votre recherche pragmatique d'équilibre entre le trop et le pas assez vis à vis de vos apprenants.
  • Proposer d'autres principes pour une éthique du tuteur à distance.

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[1] Il est vrai que les tuteurs, ceux-là mêmes qui sont confrontés au choix du type d'intervention à avoir en direction des apprenants, avaient une propension moins grande aux positions de principe et ont bien moins participé à ce débat que d'autres.


3 commentaires:

M'sieur SVP a dit…

J'ai déjà eu l'occasion d'aborder la question dans un autre billet.

Dans le cas d'un tutorat qui pourrait s'appuyer sur une plateforme d'Elearning, il me semble, sans violer la vie privée du tutoré, que la mise en place d'un système sophistiqué (comme adSense ou ses concurrents), adapté à "la recherche du ce qu'il faut pour l'apprenant, au moment où il le faut pour l'apprenant et de la manière dont il le faut pour l'apprenant" pourrait être une aide précieuse pour le tuteur.

La capacité à dresser le profil d'un apprenant à partir de son comportement permettrait sans doute au tuteur d'être alerté en temps réel lorsqu'un tutoré en aurait besoin.
Un exemple : l'accroissement d'une activité de recherche sur un même thème lié aux cours dispensés à un apprenant pourrait être interprèté comme l'expression d'une difficulté. Alerté par le système, le tuteur pourrait ainsi prendre contact avec l'apprenant afin de rompre la solitude de ce dernier, lui fournissant l'occasion de demander des éclaircissements.

Qu'en pensez-vous ?

Le blog de t@d a dit…

Les traces peuvent être effectivement utiles, ce qui n'enlève rien à la difficulté de leur interprétation.

Dans le cas cité par Gaël, une autre hypothèse peut être faite. Celle que "l'accroissement d'une activité de recherche sur un même thème lié aux cours" traduise un intérêt particulier de l'apprenant pour le thème.

Selon l'une hypothèse (difficultés rencontrées) ou l'autre (intérêt soutenu), le trop ou le pas assez, de la part du tuteur, ne se situe pas de la même manière.

Par ailleurs, si identifier le profil d'un apprenant est important pour le tuteur, il ne peut pas réaliser cette tâche uniquement à travers l'étude des traces des comportements remontées par la plateforme. L'interaction entre l'apprenant et le tuteur doit être directe et vivante et ne pas se limiter à l'examen par le tuteur du "dialogue" de l'apprenant avec la plateforme.

Il me semble important de ne pas oublier que la trace est une interprétation du comportement de l'apprenant. Elle n'est pas fidèle de l'apprenant ni de son comportement mais seulement de la manifestation dans le dispositif du comportement de l'apprenant.

A certains égards, comme pour l'évaluation, la trace manifeste davantage les préoccupations de ceux qui ont pensé intéressant de s'intéresser à tel ou tel comportement et à en organiser le traçage. Or, et c'est là que le bât blesse, les tuteurs ne sont quasiment jamais associés à la définition des traces à produire par la plateforme. Je ne parle même pas de l'association des apprenants à la définition des traces...

Encore un mot sur les traces. Même si il ne participe pas à leur définition, il me semble que l'apprenant devrait être le premier à avoir accès à l'intégralité des traces produites par son activité. De même, le tuteur devrait avoir accès à l'ensemble des traces qu'il produit lors de ses interventions tutorales.

Ce n'est malheureusement pas souvent le cas. Nombreuses traces produites par l'apprenant sont réservées au tuteur et à l'institution. Nombreuses traces produites par le tuteur sont réservées à l'institution.

M'sieur SVP a dit…

Je partage votre analyse, et sans doute est-il récurrent de constater que les outils sont souvent conçus pour satisfaire la vision de leur concepteur plutôt que l'utilisateur final.


J'ai l'habitude de proposer à mes apprenants un questionnaire de fin de formation afin de recueillir leur vécu dans le but d'adapter/améliorer mes cours.
Ce questionnaire est constitué d'un QCM (afin d'en faciliter le traitement statistique et la comparaison d'une année sur l'autre) mais aussi de divers espaces d'expression libre.

Si répondre au QCM ne pose en général pas de problème, les réponses formulées dans les espaces libres sont souvent décevantes et reflètent rarement les échanges "d'homme à homme" tout au long de la formation.

En celà, l'interaction humaine reste indispensable.

Certes les traces reflètent-elles davantage la pensée de leur collecteur, mais, à l'inverse, elles peuvent aussi révélées des éléments enfouis, "underground".

J'aime bien l'exemple proposé içi.

J'ai conçu ma propre plateforme ELearning (Notamment pour mieux en appréhender les concepts) et parmi les traces que j'exploite, je citerai la fréquence de consultation d'une page, considéré sous l'angle d'une statistique collective au niveau d'un groupe d'apprenant.

Lorsque je la croise avec le résultat des évaluations que j'entreprends auprès des apprenants, elle me permet d'identifier les points qui peuvent poser problème, ou, à l'inverse comme vous le souligner, les éléments qui génèrent de la motivation.